Lorsqu’on le questionnait Georges FOUARGE nous disait :

“Je suis arrivé à Aulne en 1944, avec ma femme et un vélo”

C’est dans les ruines de l’Abbaye d’Aulne qu’il allait créer, grâce à la rencontre de plusieurs idéalistes comme lui, une école d’éducation physique et d’éducateurs.

En ces temps troublés de fin de guerre, ils voulaient offrir aux jeunes désœuvrés un mode de vie différent. Dans la région de Charleroi, à Roux, un vicaire, aidé de quelques jeunes, dont Simon VANDER ELST, relance la Jeunesse Ouvrière Catholique (J.O.C). Dans le cadre des activités à proposer ils ont décidé de monter un club sportif. Football d’abord puis, grâce au courage, à l’ardeur et aux bras vigoureux de ces jeunes, une piste d’athlétisme a été élaborée. C’est à ce moment que Georges FOUARGE devient entraîneur du club. Avant d’arriver dans la région carolorégienne, Georges FOUARGE avait participé et même organisé des camps de « Volontaire du Travail ». Il avait mis fin à cette activité lorsqu’il s’est aperçu que ces services étaient tombés « sous la coupe » des rexistes et des fonctionnaires mis en place par les Allemands pour gérer la Belgique. Ayant une formation acquise à l’Institut Militaire d’Education Physique, Georges FOUARGE est devenu alors enseignant au Collège de Bonne Espérance. Il y donnait les cours de gymnastique aux jeunes séminaristes. Durant cette période, une rencontre importante a eu lieu. Un jeune prêtre travaillait dans ce collège, l’abbé Jules COUVREUR. Les cours de gymnastique étaient assez statiques. Plein d’ardeur et des idées nouvelles en tête, Georges FOUARGE s’est attaqué à la rénovation des cours et leur donner une allure plus sportive. Il en a fait une véritable éducation physique en se référant à toutes les théories nouvelles de l’époque comme l’Hébertisme. Il avait même amené les étudiants à participer à une séance de gymnastique matinale. C’est par l’intermédiaire de Jules COUVREUR que Georges FOUARGE devient entraîneur à Roux. L’abbé ABTS, vicaire à Roux, Jules COUVREUR et Georges FOUARGE ont donc unis leurs efforts pour dynamiser la jeunesse et mettre sur pied des activités valorisantes. C’est au cours d’une discussion que l’idée d’une école est née. En effet, c’est bien de faire bouger les jeunes, cependant ce serait mieux si on apprenait aux jeunes à dynamiser les jeunes.

C’est ça la bonne idée : créer une école d’animateur et on utiliserait le sport comme support de formation. Sitôt dit, sitôt fait. Les installations paroissiales sont mises à disposition et l’affaire démarre. Six ou sept jeunes participent au lancement de l’aventure.

Si cette organisation démarre bien, très vite George FOUARGE souhaite une structure propre, bien à lui. Il voulait quelque chose ne dépendant plus de l’aide d’une paroisse ou d’un particulier. C’est à l’Evêché que Georges FOUARGE a demandé une aide. Il possédait les ruines de l’Abbaye d’Aulne. L’évêque lui a donc proposé d’occuper ce qu’il restait des bâtiments. C’est donc dans ces lieux, vraiment très abîmés, qu’en septembre 1944 l’Ecole prend effectivement ses quartiers. Simon Vander Elst, âgé alors de 18 ans, est le premier à suivre Georges et Marcelline FOUARGE.

C’est parti ! L’Ecole d’Aulne va voir le jour. Les jeunes qui s’inscrivent vont construire de leurs mains leur école. Placer des vitres, construire des égouts, maçonner, installer des poêles, construire une cheminée, chacun mettait la main à la pâte. Et lorsqu’on ne savait pas faire, on apprenait. C’était souvent un papa, un ami, qui, le week-end, venait prêter main forte. Pour les déplacements, le transport des matériaux, il n’y avait que le vélo et la brouette. Parfois, ils pouvaient dénicher une aide sous la forme d’un cheval et d’un chariot.

Dès le départ, l’internat a été rendu obligatoire. Pour Georges FOUARGE, la vie en communauté était importante. On faisait tout « ensemble ». Les horaires, les cours, les soirées, les week-ends, tout cela se passait en commun, avec bien sûr, le couple Fouarge. Ce qui était intéressant, disait Simon VANDER ELST, c’est que Monsieur FOUARGE nous racontait de ses histoires à lui, mais surtout des thèmes qui provoquaient la réflexion. Il y avait un échange d’idée très enrichissant. C’est une formation essentielle: rechercher un but dans sa vie. Toute l’organisation de la jeune école est basée sur la responsabilisation de l’homme. C’est ensemble qu’on décide, c’est ensemble qu’on agit. Au fil du temps, l’école se développe, les élèves progressent et arrivent au bout de leur formation. Il faut trouver des débouchés. Mais avant de travailler, pour la plupart, il faut accomplir le service militaire. Ce temps-là est mis aussi à profit pour réfléchir à son avenir mais aussi, durant les congés, pour se retremper dans l’ambiance de l’école.

A chaque rencontre, des discussions intéressantes naissaient concernant la nécessité de créer des structures pour les jeunes. Monsieur FOUARGE amenait des livres, des documents, chacun racontait ses expériences. On cherchait ensemble une idée originale qui correspondrait aux besoins des jeunes. Grâce à ses nombreuses relations, le Patron avait envoyé ses anciens dans les différentes structures existantes, soit pour des jeunes inadaptés, soit pour des jeunes délinquants. Si elles furent formatives, ces expériences ont laissé un arrière-goût d’insatisfaction aux stagiaires. Ce qu’ils voulaient c’était, comme eux l’avaient fait, apprendre aux jeunes à se construire ou à se reconstruire, par la responsabilisation et le travail valorisant. Georges FOUARGE a alors lancé Simon VANDER ELST sur l’idée de créer un foyer de semi-liberté pour les jeunes en grosses difficultés, et y développer une réelle pédagogie. Les institutions de l’époque appliquaient plus une politique sécuritaire et de contrainte qu’une action éducative. L’idée a emballé Simon.

Trouver un lieu, inventer une pédagogie, ce sont les deux objectifs que se sont fixés les deux hommes. Ce n’était pas facile. Il était indispensable d’avoir des locaux vastes pour travailler, mais aussi des locaux pour vivre en groupe, pour manger, pour dormir, pour les loisirs. Une ancienne usine a été louée à Roucourt (Péruwelz) et Simon, accompagné de son épouse a commencé « Notre foyer agricole ». En effet, il avait semblé que la réparation du matériel agricole était un secteur intéressant à développer. Très vite, il s’est avéré qu’il fallait changer son fusil d’épaule. Il y avait un manque d’intérêt chez les jeunes pour l’agriculture. De nouvelles propositions de formation sont avancées, plus prometteuses en matière de reclassement : mécanique, maçonnerie, menuiserie, électricité.

Parallèlement, un autre ancien, Etienne KUBIAK, menait une réflexion similaire. A l’Ecole d’Aulne, on acceptait aussi des enfants qui présentaient des difficultés importantes à s’intégrer dans l’enseignement ordinaire. Le Patron avait pris cette option car il fallait de l’argent pour faire vivre l’école. Ces jeunes vivaient avec les étudiants. Ce n’était pas toujours facile ni pour les uns ni pour les autres. Aussi, Etienne KUBIAK et son épouse ont été pressentis pour prendre en charge un groupe de ce genre. Ce qui était important c’était de ne pas être trop éloigné de l’Ecole pour que les étudiants puissent y faire « leurs armes ». Une toute petite ferme, avec un bout de terrain, a été trouvée. L’Institut Saint-Exupéry était né. Ainsi donc, fin 1949, deux institutions étaient organisées par deux anciens de l’Ecole d’Aulne. Très régulièrement, des rencontres de travail étaient organisées entre les trois hommes afin de mettre en commun les expériences, de se passer des filons, de s’épauler en cas de difficulté. Et d’autres projets naissaient avec l’’idée de créer quelque chose pour les épileptiques en associant Pierre JURDANT à leur réflexion. Des contacts ont eu lieu entre Pierre JURDANT et le Professeur Lucien SOREL, spécialiste de l’épilepsie et maître de conférences à l’Université de Louvain. Pierre JURDANT est parti aussi faire un stage dans un établissement spécialisé pour le traitement des épileptiques en Suisse, à LAVIGNY. De fil en aiguille, après des stages à Roucourt et à Saint-Exupéry, après de longues réunions afin d’évaluer les chances de succès, il est décidé par le groupe des quatre de créer une institution pour épileptiques. C’est encore grâce à l’abbé COUVREUR qu’un ancien couvent est découvert à Blicquy (Leuze-en-Hainaut) et que le couple JURDANT, Pierre et Marie-Thérèse, s’y installe en 1954 et ouvre l’Institut La Porte Ouverte de Blicquy. A la même époque, Georges FOUARGE à des vues sur un autre ancien de l’école qui revient du service militaire. Ayant dans sa poche un titre de professeur d’éducation physique et de kinésithérapeute, Werner BERNARD est sollicité pour prendre en charge un jeune hydrocéphale et lui apporter les soins nécessaires requis par son état. Werner BERNARD et son épouse Mona acceptent cette mission et, progressivement, puisque le pied est mis à l’étrier, d’autres jeunes viennent se joindre au premier. Le Home familial pour Handicapés était né, lui aussi en 1955. Ils sont cinq maintenant à se retrouver régulièrement. Les réunions ont lieu, à tour de rôle, dans chaque institution, afin de mettre en commun tous les problèmes de ces jeunes institutions.

La formation d’éducateurs et d’éducatrices spécialisés

« Plus en toi »

« Le corps de l’homme anobli par la science a besoin d’un supplément d’âme »

Henri BERGSON

En 1960, création d’une année de spécialisation en psychomotricité sanctionnée par un diplôme d’agrégé de l’enseignement technique secondaire, spécialisation rééducation psychomotricité.

A l’époque, la primauté de l’esprit sur le corps est contestée. Une idée se fait jour affirmant que le corps et l’esprit sont intimement liés, sont des facettes d’une même réalité. C’est l’idée maîtresse : « Penser le corps pour panser l’esprit ».

Monsieur Fouarge y voit un outil pédagogique prometteur au service des adolescents qui fréquentent l’enseignement spécialisé ainsi que des adultes mis au travail dans des ateliers protégés de l’époque.

Madame Fouarge a pris une place prépondérante dans cette formation. La psychomotricité était découverte à travers de nombreuses applications pédagogiques et orthopédagogiques : Orlic, Romain, Dropsy, Gerda Alexander, Tomatis, Le Boulch, Aucouturier et Lapierre, …

Cette formation prendra fin en 1990.

Récit réalisé par Albert Simon et André Tesain,

Toute cette histoire commencée en 1949 a duré un demi-siècle sur le site d’Aulne.

la section A1 quitte les anciens bâtiments de l’abbaye et émigre dans les nouveaux bâtiments à Leernes. La section A2 (Prépa) y restera encore quelques années. La qualité de l’enseignement reçu à Aulne a toujours été considérée comme un gage de formation complète et sérieuse. La polyvalence et l’audace d’entreprendre sont aussi les fruits de cette formation reçue.

Tous les étudiants ont été marqués par un style de vie, par une éducation à la responsabilité, par une exigence d’adaptabilité par une capacité de vivre et de travailler en équipe. Autant d’atouts importants pour tout éducateur. Même si on peut être critique et ne pas être en accord avec certaines pratiques. La devise de l’école d’Aulne était « Plus en toi ». Toute personne peut s’améliorer, elle possède en elle le potentiel nécessaire, il suffit de le révéler ! Je n’ai pas à être plus fort que l’autre, je dois être plus fort que moi… grâce à l’autre. Cette devise garde toute sa force dans ce monde actuel.

que la formation s’ouvre à la mixité.

l’école d’Aulne section A1 est intégrée dans le centre supérieur pédagogique de Charleroi Mons (CESPCM). Un rapprochement guidé par une logique d’économie d’échelle.

Tout en gardant son autonomie pédagogique, l’école perd petit à petit son originalité dans la formation de ses étudiants via la vie communautaire. C’est la fin du label « Éducateurs d’Aulne » après un demi-siècle d’existence.

la fermeture de la section « Prépa », section d’enseignement technique secondaire supérieur, trouvait son explication dans la prolifération des sections « socio-éducative » et « Sciences humaines » organisée dans de nombreux établissements.

l’école d’Aulne qui mélangeait harmonieusement études et vie communautaire en internat a cessé ses activités le 30 juin.

La section subsistera à Gosselies et le bâtiment sera repris par le COGA et l’école St Exupéry.

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